Sommaire
Entrée en matière
Les routines de pensée pour le prof doc? Juste une évidence!
Des mots sur des pratiques, et des méthodes pour aller plus loin!
A quoi pense le/la prof doc lorsqu’il/elle prépare ses séances? Il/elle cherche à ce que les élèves fassent des liens, à ce qu’ils ancrent leurs apprentissages, à ce qu’ils mènent une réflexion. Il/elle souhaite les voir devenir autonomes dans leurs recherches informationnelles, dans la construction de leurs apprentissages, qu’ils sachent synthétiser, transmettre, approfondir. Bref, le/la prof doc a pour mission de donner les outils aux élèves pour qu’ils s’engagent, explorent, expliquent, et ouvrent des pistes de prolongements. Les routines de pensée viennent donc se glisser naturellement dans nos pratiques.
Mais d’où ça sort?
Nous sommes en plein confinement, au printemps 2020, la tête dans la refonte de nos séances pédagogiques, afin de relever le défi de l’enseignement en ligne. Mais nous ne sommes pas seuls, sur le Forum pédagogique de la Mission Laïque Française, et par bien d’autres moyens, nous nous formons, échangeons, avançons. Et au milieu de tout ça, un OVNI, dont très vite tout le petit monde du Forum a parlé: les routines de pensée. Julie Higounet, Responsable du pôle développement professionnel et ingénierie de formation de la MLF nous bouscule, nous subjugue, et nous embarque dans le bateau des routines de pensée. Niveau 1 d’abord, puis nous avons demandé le niveau 2, puis le 3, puis les routines spécifiques aux non-scripteurs, et puis…depuis vit la Communauté des routines de pensée, animée par Julie Higounet et Catherine Boucher. Ces premières routines qui sont entrées dans nos vies d’enseignants sont présentées dans un document accessible en ligne sur le site de la Mission Laïque Française.
Ce document intitulé Comment construire la compréhension à distance? Les routines de pensée! (document pdf, 47 diapos, 1.5 kb) revient sur la nécessité de structurer et scénariser ses enseignements, et de les rendre explicites. Afin que tous les élèves partent “dans la même direction », Julie Higounet présente dans ce document l’origine des routines, ainsi que quatre routines de pensée et leurs plus-values.
Que sont ces routines de pensée?
A l’origine, c’est un centre de recherche de Harvard, qui, à la fin des années 60, mène des travaux sur l’apprentissage, et démarre la réflexion sur ces “visible thinking” ou routines de pensée.
Les routines de pensée sont des « mini-stratégies » pour aider les élèves à organiser « leur pensées » et améliorer leur capacité à communiquer et comprendre. Making thinking visible: en rendant l’enseignement explicite, les routines permettent aux élèves de visualiser leur cheminement dans l’apprentissage et d’ainsi donner du sens à celui-ci. Lorsque les processus de pensée sont visibles, les élèves sont conscients de leurs propres fonctionnements et peuvent mieux visualiser le chemin à parcourir ou trouver les leviers dont ils auront besoin pour continuer. Les routines sont donc des moteurs pour la motivation et l’engagement. Elles visent à faire entrer l’élève dans des stratégies métacognitives, en lui permettant de prendre conscience de ses connaissances, de ses manières de les construire et de les utiliser.
Trois routines pour illustrer les liens avec nos pratiques de profs docs
Le/la professeur/e documentaliste, par sa place, par son approche, par ses missions, est un/e acteur du “making thinking visible” dans son quotidien, que ce soit en abordant la recherche documentaire, les questions d’orientation, la communication, ou toute autre séance ou activité qu’il/elle peut être amené à animer. Voici donc quelques exemples d’expériences sur le terrain.
Contexte
- Établissement: Lycée Français International de Reus
- Années scolaires: 2020-2021 et 2021-2022
- Auteur : Élodie Misrahi, professeure documentaliste
- Objectifs: se questionner, s’engager, faire des liens
- Modalités: séquences d’environ 7 séances, collaborations professeur des écoles/professeur documentaliste ou professeur principal/professeur documentaliste
Routine des 3Y
C’est une routine pour réfléchir à l’importance d’un sujet ou d’un thème.
Après avoir dessiné un Y, les élèves doivent répondre à trois questions à propos du thème qui leur est présenté:
1- pourquoi ce sujet peut-il m’intéresser?
2- pourquoi cela pourrait-être important pour ceux qui m’entourent?
3- pourquoi cela pourrait-il être important pour le monde?
Cette routine permet aux élèves de créer des liens personnels avec un thème qui peut leur sembler initialement éloigné.
Dans le cadre d’un projet en cycle 3 autour des compétences de vie, et notamment des compétences de communication, cette routine des 3Y a permis d’initier la séquence sur les modes de communication, montée à partir d’activités proposées dans le dossier L’apprentissage de la communication, 15 fiches pédagogiques pour l’éducation à la non-violence et à la paix de Vincent Roussel (document pdf, 90 pages, 1.63 Mb).
Routine des questions de départ
Cette routine fait directement écho au questionnaire quintilien utilisé pendant les séances de recherche informationnelle. L’idée est de donner envie aux élèves d’aller plus loin avant même d’avoir commencé: ils sont alors prêts à explorer, capables d’appréhender la complexité et multidimensionnalité du sujet. Cette routine est “un temps de pause bienvenu”, explique Julie Higounet, “qui permet aux petits parleurs/penseurs d’avoir le temps de réfléchir”. Les élèves sont invités à poser 12 questions sur une thématique, puis à trier et sélectionner ces questions. Les enseignants aident les élèves en leur proposant des amorces de questions, puis des techniques pour trier les questions.
En prolongement d’une séance en CM sur l’alimentation, l’enseignante et la professeure documentaliste ont proposé aux élèves d’approfondir une thématique précise : le sucre, afin de travailler la recherche d’information, et notamment l’étape essentielle de formulation du besoin informationnel. Pour ce faire, elles ont utilisé la routine de pensée des questions de départ qui permet aux élèves de percevoir la multi-dimensionnalité d’un sujet. Les élèves ont ensuite produit des émissions de radio sur la thématique du sucre.
1ère étape: 12 questions autour du mot sucre
2ème étape: tri des questions
Routine Je vois, je pense, je me demande
Cette routine en trois étapes doit permettre aux élèves de se créer des images mentales. À partir d’une image par exemple, les élèves disent ce qu’ils voient, puis ce qu’ils croient qu’il se passe, et enfin ce qu’ils se demandent. L’idée est de ne pas sauter les étapes, il s’agit une nouvelle fois de ralentir, afin que tous les élèves suivent le même cheminement. Cette routine n’est pas sans rappeler la stratégie des Niveaux de lecture proposée par la formatrice Maryse Brumont, dans Diversifier et renouveler les leçons de lecture en cycle 3, Scéren CRDP Aquitaine, qui invite les élèves à partir de la dénotation, “ce que je vois”, puis de passer à la connotation, ce que je comprends, et enfin à l’interprétation, ce à quoi cela me fait penser.
Dans le cadre d’un projet d’éducation aux médias et à l’information avec pour objectif final la réalisation de reportages radiophoniques sur des parcours marquants de femmes, les élèves ont travaillé leurs compétences d’écoute à partir de reportages radiophoniques. Cette routine de pensée, d’abord visuelle, a donc été adaptée à l’écoute, afin que les élèves se créent des images mentales. Les élèves ont entendu deux reportages tout sonores:
- le Rémouleur, documentaire de Bérengère de Tarlé, Arte Radio, 3min34
- la Journée sonore, fiction de Tatjana Bogucz, Arte Radio, 12min59. Ils ont noté les qu’ils entendaient, puis ce qu’ils comprenaient, et enfin les questions qu’ils se posaient.
Routine Give one, get one
L’idée de cette routine est de partir de ses représentations initiales, de partager la réflexion, et de recueillir des idées. Les élèves notent dans un premier temps ce qu’ils savent sur un sujet donné, ou des arguments pour répondre à une problématique, et vont, dans un deuxième temps, échanger leurs idées avec leurs camarades, afin d’enrichir leur réflexion. Cette routine se conclut par une mise en commun permettant de confirmer ou d’infirmer les idées des élèves.
Lors de la première séance de préparation du stage d’observation milieu professionnel en classe de 3ème, les élèves ont d’abord noté ce qu’ils savaient de ce stage, ce qu’ils avaient entendu dire, puis ont échangé avec leurs camarades. Cette première séance a permis de partir de leurs représentations et de ce qu’ils savaient pour donner les informations clés sur ce stage, et répondre à leurs questions.
En guise de conclusion
Ces routines sont donc de merveilleux outils pour les professeurs documentalistes, qui en utilisaient certaines, ou des bribes, souvent sans le savoir. Elles permettent de conceptualiser et formaliser des “évidences”, et surtout, elles amènent les élèves à explorer, approfondir, organiser, synthétiser, et entrer en métacognition. A nous tous qui courons après les heures, ce n’est pas une perte de temps, au contraire. Avancer dans sa progression avec des élèves motivés et engagés, et qui se questionnent, permet d’avancer réellement, et avec tous. Expliciter les objectifs et intentions de ces routines aide les élèves à comprendre leurs modes d’apprentissage, à voir où nous allons, ensemble. Alors, prenons ce temps! Et utilisons les routines de pensée sans modération!